LA LIBERTÉ D’ÊTRE SOI, SANS MASQUE

Février correspond à l’époque des carnavals. Le carnaval est un événement festif lié au carême, dont les origines très lointaines puisent tout autant dans les traditions païennes que dans les traditions chrétiennes.

UN PEU D’HISTOIRE…

Dans l’Antiquité Romaine, le calendrier commençait au mois de mars, de façon à faire coïncider le début de l’année et le renouveau de la nature. De grandes fêtes marquaient cette période de l’année : les calendes de mars. La christianisation des fêtes ancestrales a conduit à faire du carnaval le contrepoint du carême, ce dernier se caractérisant par le jeûne et l’austérité alors que le carnaval représente, à l’inverse, l’excès aussi bien dans la consommation de nourriture que dans l’apparence vestimentaire.

ET SI NOUS FAISIONS TOMBER NOS MASQUES !

Le Courage d’être soi de Jacques Salomé, Oser être soi, L’Estime de soi de Christophe André… De best-sellers en stages de développement personnel, jamais les exhortations à s’affirmer n’ont été aussi nombreuses. Jamais la question : « Qui suis-je ? » n’a été posée avec autant d’insistance.

Si notre identité intime est au cœur des préoccupations existentielles contemporaines, c’est qu’être soi ne va pas de soi. Contrairement aux générations précédentes, structurées et définies par un héritage familial, religieux et social, nous avons aujourd’hui, en principe, la possibilité de choisir et de façonner notre destin. Nous pouvons rejeter les croyances qui nous limitent, évoluer dans un milieu social et professionnel autre que celui de nos parents, choisir notre religion, voire notre sexe. Mais face à cette liberté, à ce vaste champ de possibles, l’ego triomphant se retrouve souvent vacillant. « Qu’est ce qui, en moi, est vraiment moi ? Qui choisit pour moi ? Ces valeurs sont-elles vraiment miennes ? Mes refus me rapprochent-ils ou m’éloignent-ils de moi ? »

PETITS ARRANGEMENTS AVEC SON HÉRITAGE

Le sociologue Alain Ehrenberg, auteur de La Fatigue d’être soi, nomme ce questionnement « la dynamique d’émancipation ». Pour lui, « aujourd’hui, on demande moins aux gens d’obéir que d’avoir de l’initiative, moins de se conformer à des interdits que de devenir soi-même ».

Or, devenir soi suppose que l’on s’arrange d’abord avec son héritage. On sait, depuis Freud, que le moi n’est pas un îlot vierge de toute influence extérieure, un noyau de singularité. Il se construit dans une histoire familiale, à une époque donnée, avec un inconscient. C’est pourquoi la réponse de la psychanalyse à la souffrance de l’être est l’investigation de son histoire personnelle, pour comprendre les nœuds de souffrance et essayer de les dénouer. Pour pouvoir dire pleinement « je », une fois son histoire personnelle réappropriée, une fois assumé son passé.

JE DÉSIRE, DONC JE SUIS

Peut-on devenir soi sans procéder à un inventaire, dans la forme qui nous convient ? Sans cet inlassable travail de tri qui se poursuit tout au long de notre existence ? « L’éducation que j’ai reçue vaut-elle pour mes enfants ? Suis-je épanoui dans mon couple ? Ce style de vie me correspond-il ? » Les valeurs que nous retenons ou rejetons, les choix que nous faisons sont autant de pièces qui composent et affirment notre singularité au fil du temps.

Dans cette perspective, oser être soi passe par le choix conscient de ce que nous pensons être bon pour nous et par le rejet de ce qui nous éloigne de notre intégrité, ou, simplement, nous fait souffrir. C’est ainsi que notre bien-être ou notre mal-être sont les deux principaux indicateurs de la relation que nous entretenons avec notre moi. Renoncer à son désir, qui, pour la psychanalyse, est l’expression du moi, ne va pas sans ravages. « Là où je soutiens mon désir, je suis », pourrait-on dire.

L’entreprise se pose de plus en plus de question autour du mieux-être… Certes, elle n’est pas faite pour gérer les problèmes de tout le monde, mais tout de même… on voit bien combien le stress, les tensions, la mauvaise prise en main des risques psychosociaux,… contrarient précisément la performance et la productivité ! On se demande de plus en plus qui est responsable de quoi : est-ce la performance qui génère le stress ou le stress qui diminue la performance ?

MOI… ET LES AUTRES

Mais de cette relation intime dépend également celle que nous avons à l’autre. Un moi rachitique, autant qu’un moi boursouflé, est non seulement l’expression d’une méconnaissance de soi mais aussi la source de relations aliénantes ou factices avec autrui. Tandis qu’un rapport sain et conscient à soi-même reste le meilleur garant de relations humaines plus confortables et plus authentiques. Plus on avance dans la connaissance et l’affirmation de soi, moins on fait peser sur les autres le poids de nos incertitudes et de nos frustrations. Mais ce chemin n’est pas sans danger. Et s’adonner au culte du moi n’est pas le moindre.

Depuis toujours, les spiritualités insistent sur la nécessité de combattre notre petit moi, ce « moi haïssable ». C’est pourquoi, aujourd’hui, devenir soi nous expose à un double défi : cultiver sa singularité sans verser dans l’égocentrisme. Entre culte de l’ego et oubli de soi, la voie qui mène à soi-même est étroite et ardue. Mais la trouver demeure l’une des conditions indispensables pour ne pas passer à côté de sa propre vie.

LIBÉREZ-VOUS DE VOS MASQUES !