Stop aux paris fous, faites vos voeux

Dans une grande ville, même avec un gros cadenas, vous ne pouvez pas laisser un vélo une demi-heure sans craindre qu’il ne vous soit volé. Vous croisez un vigile devant l’entrée du moindre supermarché, vous avez été fouillés à l’entrée du marché de Noël. Et l’armée patrouille dans les gares, les rues et les centres commerciaux.

Pendant ce temps, dans certaines vallées des Alpes, il y a, au bord des chemins, de belles fermes devant lesquelles on a placé un frigidaire rempli des bons produits de la ferme : lait frais, fromages d’alpage, saucissons de chèvre et viande séchée. Vous vous servez tout seul, vous pesez votre morceau de fromage et vous payez dans une petite boite en bois. Vous faites la monnaie vous-même si besoin.
On peut suspecter le fermier de ne même pas tenir le compte tant il est impensable dans ce petit pays que quelqu’un puisse se servir sans payer — et on imagine encore moins quelqu’un partir avec la caisse.

Lorsque des randonneurs provenant des villes passent par là, ils sont d’abord surpris. Puis joyeux de l’évidente simplicité, même si cela constitue un miroir douloureux de nos modes de vie modernes. Les supermarchés débordent de tous les produits du monde : fruits exotiques, poissons de mers lointaines, sushis, nems, accras… Mais vous n’y trouverez jamais un produit de la qualité de ceux que vous avez dans ces fermes de campagne.

Les tomates espagnoles sont belles et luisantes, rondes et rouge vif mais n’ont aucun goût. Ni aucune qualité nutritionnelle. Les longues roses kenyanes coûtent moins d’un euro. Les millions de tiges qui s’envolent en chambre froide du lac Naivasha assèchent l’un des deux seuls lacs d’eau douce de la vallée du rift. L’usage intensif de pesticides et l’exploitation de la main d’œuvre finissent de noircir le tableau et tout cela pour quoi ? Une rose calibrée qui ressemble plus à son ersatz de plastique et ne sent rien.

Tout comme le pain fait de blé génétiquement modifié dont les propriétés — couleur, élasticité, texture— sont plus proches du pain de plastique avec lesquels les enfants jouent à la dinette que du pain de nos grands parents.

Faut-il aborder la question de la viande ? De l’élevage intensif et des carnages à l’abattoir ? C’est pourtant sur ces produits hors-sol que nous nous ruons délaissants les produits de la terre qui a fait vivre nos ancêtres pendant des milliers d’années.

La fin d’un cycle ?

Le mouvement qui nous tue aujourd’hui est le même que celui qui a apporté richesse et prospérité durant la seconde moitié du XXème siècle. C’est un fait que ce qui était bon hier ne l’est plus aujourd’hui. Nous mourrons de ce qui a permis hier de vaincre les famines, la malnutrition, les maladies, de généraliser l’hygiène, d’augmenter l’espérance de vie, d’éviter les guerres fratricides.

Quelles avancées ont représenté les voitures, les centaines puis milliers de nouveaux produits des supermarchés, les maisons mieux chauffées et mieux isolées !

Tout ceci fut très bon. Il ne s’agit pas de renier la passé.

Mais le progrès infini n’existe pas. Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et les dinosaures ont disparu de la surface du globe il y a 66 millions d’années.

Vouloir forcer le progrès, l’ouverture à tout vent, la croissance infinie c’est comme donner toujours plus de remède à un patient qui n’est plus malade de quoi que soit d’autre que ce remède qui lui est précisément prescrit à outrance.

Les grandes chaînes de supermarchés préfèrent les tomates espagnoles parce que ces producteurs sont mieux organisés pour livrer des millions de tomates, de la bonne taille et du bon calibre, qui ne pourrissent pas, toute l’année et à un prix imbattable. Et tant pis si plus personne ne veut de bonnes tomates.

Sauf que ces entreprises, et c’est vrai pour tout notre tissu économique, issues de la seconde guerre mondiale se sont organisées en corporations, se sont partagées un monopole et entendent le garder par tout moyen, y compris politique. Bien sûr, ces mastodontes évoluent et tentent de s’adapter aux réalités d’aujourd’hui… avec la même souplesse qu’un diplodocus à qui l’on demande de trier les lentilles.

De fait, un supermarché ne peut se permettre de poser des boites en bois à l’entrée de son magasin et s’attendre à ce que ses clients calculent leur note d’eux-même et la règle de bon cœur comme le font les promeneurs dans les fermes au bord des chemins. Il y a des vertus aussi dans ce petit village français que nous avons abandonné et auquel les métropoles ont mis le feu économique pour être sûr que nous n’y retournions jamais.

Plus ou moins de mondialisation ?

Voici la grande polarité du choix qui se profile devant nous,  entre les tenants du progrès infini et ceux de la rétractation, du repli sur soi, réaction instinctive de tout corps agressé, blessé. Plus que jamais, le retour en arrière global parait impossible au vu des habitudes consommatrices qui ont gagné nos gènes. Est-ce pour autant qu’il faille abandonner de manière fataliste ? Pas sûr. Pas sûr non plus que les systèmes « démocratiques » qui nous mènent par le bout du nez soient les plus vaillant pour nous aider à sortir de l’ornière… Il ne reste alors que notre liberté individuelle, et celle là n’appartient qu’à nous !

Alors, faites vos voeux

Et c’est pour cette raison qu’en ce début d’année, j’invite tout un chacun à faire des voeux solides, des voeux conscients et responsables pour reprendre la main sur notre liberté à respecter l’environnement et la planète.