groupe travail indépendants

Assumer le nouveau modèle économique

Depuis une dizaine d’année, la relation au travail se transforme intensément par la montée en puissance de la liberté et de l’autonomie dans nos modes de vie. Dans cette logique, la progression du nombre de travailleurs indépendants est saisissante ; et il est probable qu’elle n’en soit qu’au frémissement. Selon l’Insee, ils représentent près de 3 millions de personnes.

Cette montée en puissance est-elle une réaction de fuite du statut salarial, désormais très associé aux tensions, à la fatigue, au burn out, quand ce n’est pas à la fragilité de sa pérennité…

Le travail n’a pas encore suivi l’évolution sociale…

Alors que les mœurs et les morales ont réellement mué, l’organisation du travail et notamment le salariat ont peu changé. Or, la relation de subordination, que ce soit au travail ou ailleurs, est de plus en plus mal vécue tant elle est culturellement perçue comme une forme d’entrave à la liberté, voire comme une résignation existentielle.

Auparavant, si le statut de salarié constituait un renoncement à une certaine liberté, il demeurait néanmoins garant de sécurité, de protection, d’évolution ; il proposait des liens avec les valeurs personnelles. Le jeu en valait la chandelle… Est-ce encore le cas aujourd’hui ? Précisément non. La stabilité de l’emploi n’existe plus, les protections régressent pendant que les cotisations augmentent, le système privilégie toujours les résultats au détriment de l’épanouissement de l’humain… Pas étonnant que la motivation soit tombée si bas.

Et plus important encore, le modèle économique a changé.

L’économie à la demande change la donne

Depuis l’ère industrielle, les entreprises ont élaboré des produits de masse qu’elles déversaient sur le marché. Elles sont amenées à corriger leur stratégie face à l’attente du client devenue différente, au moins dans les pays développés. Devant les nombreux produits et services à disposition, la demande se focalise de plus en plus sur des produits sur-mesure, à la demande et obtenus rapidement. Ce changement est considérable et transpose la démarche d’entreprise : là où elle produisait pour vendre, elle est désormais amenée à vendre pour produire. C’est ce qui se passe lorsque l’on achète une voiture. Or, si le système « salariat » était tout à fait adapté à l’économie de l’offre, il l’est moins à l’économie de la demande dans la mesure où celle-ci devient variable, mutante et souvent assez courte (effets de mode). Le travail salarié y est donc de plus en plus aléatoire. Du coup, les actifs cherchent à s’en sortir autrement, et notamment en devenant indépendants.

Le modèle d’entreprise se transforme

Pour s’adapter à l’économie de la demande, les entreprises évoluent vers des modèles « étendus » ou « éclatés » en faisant appel à des « agents de passage » via les réseaux de prestataires, d’indépendants… Ainsi, salariés en CDI, salariés en CDD, intérimaires, stagiaires et indépendants se cottoient de manière temporaire, au sein d’un effectif tout à fait malléable dans l’action comme dans la durée. En même temps, d’autres salariés, les « agents libres » sont en déplacement, en télétravail… ils sont hors les murs.

L’entreprise, en tant que lieu, ne correspond plus à une unité de travail rassemblant ses salariés dans une réalisation / production de projet. Cette réalité est là. Ce nouveau modèle économique est en train de transformer aussi le mode de l’entreprise qui va s’appuyer de plus en plus sur la « souplesse » des salariés de type « vacataire ».

Une autre protection sociale

Or, pour faire face à l’évolution, c’est bien le statut de tous ces « vacataires et indépendants » qu’il est nécessaire de conforter. Celui-ci demeure fragile aujourd’hui pour faire vivre une famille, effectuer un emprunt, planifier des congés, envisager un avenir… Et pourtant, le nombre de travailleurs indépendants (3 millions) continuent de progresser indubitablement ; on doit aussi y ajouter les 2,5 millions de Français pluri-actifs, ainsi que ceux qui sont en portage salarial. Ils représentent donc une part non négligeable au sein des 26 millions de salariés. Néanmoins, le droit du travail reste écrit et fondé sur un modèle salarial et ne concerne encore que trop peu la protection du travail indépendant. A l’instar de la suppression de RSI pour rétablir le régime général pour tous, il devient incontournable d’envisager des principes généraux de protection des actifs.

A un autre niveau, et pour éviter de demeurer naïf, la question « Qui dirige les grands groupes ? » mérite d’être posée. Nous vivons une époque où directions et actionnaires ont passé un pacte contre les salariés… Il faut réhumaniser le travail et innover avec des solutions qui ne datent plus des siècles passés.