manager héros

Le manager n’est pas un héros !

Qu’on se le dise, beaucoup de dirigeants et managers ne voient pas le temps passer. Au sens propre, ils sont dans une course permanente et vive face à des échéances toujours plus rapprochées ; au sens figuré, leur concentration ciblée sur la seule productivité et la meilleure efficience ne leur permet pas de voir le temps (entendez les années) qui passe. Résultat, ils créent leur propre et gigantesque décalage en terme de management ; et leurs politiques d’évolution de projet, de service ou d’entreprise échouent de plus en plus : l’entreprise affirme sa volonté d’évoluer, mais elle conserve les mêmes méthodes, notamment avec des managers tout puissants qui s’éreintent à booster leurs équipes. Or, celles-ci résistent tout simplement parce qu’elles ne sont pas suffisamment associées, impliquées. C’est ce que l’on appelle la résistence au changement.

Le temps passe et le monde change

La mondialisation, la numérisation, l’arrivée inattendue de nouveaux concurrents transforment en profondeur le business modèle et accordent tout un chacun sur l’impérieuse  nécessité de changer, notamment les modes actuels de fonctionnement. Dans ce contexte socioculturel, l’émergence de l’intelligence collective ouvre des possibles en s’appuyant sur la confiance, la motivation et des enjeux partagés. Mais elle fait également (et encore)  bouger les lignes en terme de management.

Un de mes clients m’expliquait récemment comment, dans son entreprise, les salariés sont prélevés de 3 minutes par heure de travail afin de pouvoir « s’offrir » leur pause. C’est tout simplement grotesque et dépassé. Comment peut-on s’étonner, dans un tel système archaïque, fondé sur la confiance impossible, que des collaborateurs ne manifestent pas plus d’engagement ou de volonté ?

L’entreprise doit changer son fusil d’épaule en matière de management.

D’une part, le seul statut du chef ne suffit plus pour diriger, d’autre part, on ne lui demande plus d’être omniscient ou superman pour reconnaître sa légitimité. Le temps de l’autorité et du savoir cristallisant la puissance est révolu. Un manager doit savoir écouter, sentir, ajuster, accompagner pour faire émerger l’intelligence collective. Cette posture doit rassembler les conditions du faire-ensemble et renforcer le sens déterminant de la contribution personnelle et de la place de chacun. Selon les économistes et sociologues du travail, l’intelligence collective permettrait d’augmenter la productivité de 25%… D’un point de vue humain, ce n’est pas l’argument le plus intéressant, mais il peut aider !

Par ailleurs, la qualité d’une personne, dans son travail, s’établit sur 20% seulement de compétences techniques face à 80% de compétences humaines et sociales !! Les « soft skills » ne sont donc pas uniquement un effet de mode (hormis pour l’anglicisation) ;  cette montée en puissance confirme simplement une équation connue depuis longtemps quant à la nécessité de prendre réellement en compte l’individu pour garantir l’efficience recherchée par chacun.

Le manager tire sa force du collectif

L’intelligence collective ne gomme pas la fonction managériale ; il s’agit seulement de revoir la copie en termes d’exercice du pouvoir. Le manager doit animer le « faire ensemble » en sachant consulter, co-construire, déléguer, valoriser et même demander… Tout au contraire de ce que l’on peut imaginer, sortir de ce statut de manager ne diminue en rien l’autorité. C’est même le contraire dans la mesure où le leadership n’est pas en soi une qualité, mais plutôt LA reconnaissance accordée par les autres sur sa capacité d’influence et de valeur. Parler de leader collectif c’est prendre acte du fait qu’on ne dirige pas sur, mais qu’on dirige avec les autres, pour atteindre un but.

C’est clairement un changement d’état d’esprit. Jusqu’à maintenant, on accordait la confiance à une personne parce qu’elle était devenue performante ; aujourd’hui, le nouveau management invite à offrir la confiance pour favoriser la performance. Ainsi, le leader collectif a au moins trois missions principales : donner du sens, créer les conditions de la confiance et s’appuyer sur les connaissances et compétences des autres.

Faire confiance demande de lâcher prise, de ne plus être celui qui sait tout, qui contrôle tout. C’est une question de courage managérial. Et ce n’est pas simple à faire quand tous les systèmes sont dans le contrôle et le reporting permanent. C’est un risque à prendre. Il faut souvent convaincre les leaders de faire le premier pas. Après, quand ils voient les résultats, ils ont moins de mal pour faire les suivants et n’ont aucune envie de revenir en arrière.

Ne pas changer est un calcul de court terme. Les entreprises doivent anticiper. Si on a travaillé sur la confiance, on gagne une force incroyable en cas de crise, pour résister, réagir. Le groupe est plus soudé. Là où règne la confiance, les gens ont en tête les solutions. A l’inverse, là où règne une culture de défiance, les gens ont en tête les problèmes.

Mon expérience d’accompagnement des dirigeants m’a toujours démontré que permettre aux membres d’une équipe de parler, de se dire les choses, de construire un diagnostique partagé, de construire une vision commune de l’avenir… renforce indubitablement la confiance, la motivation et le plaisir d’agir. La confiance se cultive. Pour avoir la confiance des autres, il faut être sincère, authentique, donc y croire vraiment, le faire dans la durée et poser un cadre clair.